Chapitre 10 : Virgil is just an illusion
Lundi 14 septembre :

Des oiseaux s’ébrouent tous ensemble dans un envol de plumes et c’est joli et c’est tant mieux, parce que Virgil ne s’est pas connecté, ne reçoit pas ma vidéo et que je pleure cette incertitude encore et encore, cet abandon.
« Où es-tu ? Que fais-tu ? Est-ce que j’existe encore pour toi ? »
« Loup, y es-tu ? M’entends-tu »
Pourquoi ce besoin de toujours se couper de moi ?
J’ai cette putain de croyance que cet outil formidable et horrible que sont les messageries instantanées, nous lie lui et moi.
Quand il n’y est plus, c’est qu’il veut me mettre loin loin loin…
Mais ça faisait « longtemps, longtemps, longtemps… » qu'il ne l'avait pas fait.
Dernière connexion vendredi 18h04, je vois toujours sa photo, je n’en peux plus de cette photo qui n’est pas lui et que je finis par confondre avec lui.
Hier soir, on s'est pris la tête avec mon compagnon pour des histoires d’argent, c’est fou comme l’argent cristallise les rancœurs, comme il est un symbole de domination, de pouvoir dans son plus petit endroit.
Il parle de nos investissements, de ce qu’on croyait donner à l’autre mais qu’on a juste prêté dans l’espoir qu’il nous soit rendu sous une forme ou une autre.
Et si l’autre ne nous rend pas ce qu’on estime mériter alors on le réclame cet investissement… et c’est là que l’argent revient et abîme tout.

Comme si on pouvait payer une souffrance…
Vous avez été violé ça fait tant.
Vous avez été quitté, ça fait tant.
Vous avez été battu, ça fait tant.
Vous avez été les trois ???!!! Ah non, on ne cumule pas les sommes. Vous l’avez sûrement un peu mérité on va vous faire un prix de gros !
Quelqu’un a dit « On s’attache à ce qu’on a supporté. On tient à ce qui nous a coûté beaucoup. »
Quand ça nous coûte on paye ou on fait payer…
Mardi 15 septembre :
For God Sake ! J’ai les deux encoches bleues tant attendues, et je ressens ce soulagement paradoxal puisque je me trouve incroyablement prisonnière de ce pseudo-soulagement.
Comment puis-je être autant affectée, touchée, broyée par ses prises de distances que je connais.
Comment lâcher prise ?
Merci la vie de ne pas me faire subir cela à nouveau…
Merci la vie de m’aider à trouver une solution !
Dans le contrôle, je suis à contre rôle.
Comment être moi sans me vivre aussi mal ?
A son contact je m’étoffe et m’étouffe.
Je sais qu’il fait de son mieux.
C’est cette empathie que j’ai pour lui, qu’il y a entre nous, qui est la source de mon insoumission.
En cet instant comme en 1000, je pose ma main sur mon ventre, et c’est le sien que je caresse, pour l’apaiser.
Au-delà de la distance, je peux encore sentir le grain de sa peau sous mes doigts, son odeur, sa gestuelle. Je devine même l’expression de son visage quand il me découvre et me lit.
L’envie ambigüe, la retenue, le désir, l’agacement, la lassitude, l’indifférence, la passion, la tendresse, cette contradiction presque permanente.
Sa fuite en filigrane, comme une sortie de secours, qu’hélas je ne parviens jamais à enrayer.
Mais que cette empathie viscérale à son encontre m’oblige à accepter, puisque paradoxalement c’est d’elle qu’il se défend, n’est-elle pas ma meilleure alliée ?
A son contact j’excelle, je joue, je rejoue, je surjoue, je me devine, je me libère, je me déteste, je me sublime.
Vivre l’instant présent, c’est définitivement plus facile sur le papier.
Existe-il vraiment pour les humains ?
N’est-ce pas un concept balancé pour nous vendre de la Méditation et du zen ?
L’instant présent est éphémère par essence.

Comment existe-t-il puisqu’il ne dure pas ? Puisqu’il est instantané ?
Est-il une succession ?
Carpe diem, profitez de l’instant présent, il s’est déjà enfuit... l’instant d’après est déjà là... comme les minutes, les heures, les jours, les mois, les années qui le précèdent et qui le suivent.
Comment fait-on pour oublier le temps ?

J’ai le mal de ce que j’aurais pu faire avec mon mari et le mal de ce que je n’ai jamais fait avec mon amant.
Qu’y-a t il entre les deux ? De quoi je m’empêche ? A entendre qu’on me repêche ?
« Pêcher, pêcher, avoir le cœur empêché ? » ou en péchés… Qu’en dirait Voulzy ?
Dans les petits matins,
je me roule incertaine.
Mais serait ce ta main,
qui doucement égrène,
quelques caresses légères,
pour réveiller mon corps,
sensations éphémères,
allez, je me rendors…
Dans le reflet du miroir,
mon âme sans s’en vouloir,
sent qu’elle est dominée,
par cette image flouée.
Sang qui coule dans mes yeux,
larmes qui inondent mon corps,
c’est violent, c’est vicieux,
le senti ment re tors.
Avoir tort ou raison,
n’est même plus la question,
si aimer me dévore :
des bonbons ou un sort !!!

Tu sors !!!!
Virgil, tu sors !
Sors de ce corps !
Sors de mon corps !
Un ami psy vivant m’a dit que peut-être c’était mon fonctionnement que je devais l’accepter, que finalement je jouissais au sens lacanien du terme de cette souffrance post-effusion aussi ?
C’est compliqué à comprendre… d’ailleurs je ne comprends rien !