Chapitre 14: "L'objet du désir » n’est qu’un écran", J.Lacan.
Lundi 21 septembre :
Nuit agitée… quelques images cauchemardesques n’ayant pas forcément à voir avec la situation. J’ai accueilli mes peurs, j’ai écouté les audios d'une thérapeute avec qui je travaille, et des méditations pour m’alléger.
Ce matin, j’ai attendu mais je suis quand même allée voir si Virgil avait changé d’avis. Je vois toujours cette photo.
Je suis triste mais je crois sans colère.
J’écris à Virgil sans envoyer mes mots.
Je garde pour moi ce qui me vient. Ce n’est pas le moment. Je suis trop farcie de pensées contradictoires. Je laisse mes maux se poser, s’apaiser.
Je lui laisse cet espace qu’il me contraint à accepter.
Ma thérapeute m’a dit hier que ma colère pouvait être saine si je ne la projetais pas sur l’autre, alors je ne projette rien.
Si Virgil libère l’espace, que vais-je pouvoir mettre à sa place ?
Virgil, c’est Virgil Brigman, dans « Abyss » de James Cameron.
On croit tous et même lui qu’il ne pourra pas remonter à la surface car il n’a plus assez d’oxygène après être descendu dans les profondeurs…
Mais il revient, « Virgil Brigman revient »…
« I will be back » comme disait Terminator…
Et c’est drôle car Virgil, le mien (qui n’est pas le mien), a déjà eu ces mots pour moi.
Suis-je vraiment encore entrain de l’attendre ? Ou plutôt d’attendre son éventuel retour ?
« N’est stupide que la stupidité… » disait Forest Gump…
« Cours, Forest… »
« Cours, Caly… »
« Tu parles mieux qu’un lièvre mais tu ne cours pas si vite » comme disait ma grand-mère.
Je bois donc des tonnes de café et j’écris pour sortir de moi toutes ces pensées.
Je ne fais pas couler l’encre mais je fais couler le flot de moi, de lui, de nous…
Je me répands mélancolique et en conscience sur cet ordinateur en me demandant ce que je ferai de ce manuscrit.
Je regarde la messagerie de Virgil presqu’avec tendresse.

Je ressens une forme d’ironie. Comme je dois lui faire peur pour qu’ainsi, régulièrement, il mette autant de distance entre nous.
Est-ce qu’il a mal ? Est-ce qu’il est en colère ? Est-ce qu’il croit me protéger en s’effaçant ?
En m’effaçant ?
Est-ce qu’il espère que je revienne encore, fâchée, que je craque, que je sois odieuse pour enfin avoir le sentiment d’avoir raison ?
Mais non Virgil, je ne te donnerai pas ce plaisir-là.
Tous les autres plaisirs si tu veux, mais pas celui-là.
Débrouille-toi avec tes démons, j’ai bien assez des miens.
Je ne vrillerai pas dans cet espace de reproches.
Je ne t’en veux même pas. Tu fais comme tu peux et tu peux peu…
C’est ainsi.
Je ne serai pas la femme blessée qui se venge.
Je ne serai pas la femme perdue qui vient chialer sur tes pompes.
Je garderai autant que faire se peut, ma dignité, non parce que mon ego m’y oblige mais bien parce qu’au fond de moi je prends pour ma part 100 % de responsabilité dans notre histoire.
J’aspire à mettre des mots avec toi.
Un jour, peut-être, j’en aurai l’occasion, quand je serai revenue en terre sainte.
Pour le moment, je suis bannie et je prends la mesure de mon exil forcé. Car force est de constater que j’ai créé ce qui m’arrive.
Un jour mes mots sortiront sans plainte, sans regret, sans attente…
Un jour mes mots constateront juste et sonneront juste.
Je te range dans mon cœur. Je garde l’image du plus beau son de nous quand tu m’as prise dans tes bras sous cette allée de tilleuls. Ce sont toujours des tilleuls pour nous.
Notre duo résonnait mélodieusement ce jour-là et tu le sais comme moi.
Rien ne s’efface et tout passe… « Le désir, le plaisir se dilue dans l’espace » (Johnny !!!!!) et tu n’y es pour rien…
Tu me fais grandir. Tu me fais évoluer vers une meilleure version de moi-même.

Alors Merci…
Merci pour tes non-dits, tes impossibles, tes maladresses, tes déviances, tes regrets éternels, ta culpabilité, merci pour tes silences sordides, merci pour ton irrespect de moi, pour ton mépris de nous, merci de m’oublier chaque jour un peu plus, merci de faire semblant que rien n’a eu d’importance, merci de reléguer le merveilleux au rang de déchets subalternes...
Tu es le chamane de mes profondeurs.
Avec toi, je ne peux pas m’échapper.
Tu es le miroir de mes écueils, de mes blessures à vif.
Je me répare dans cette souffrance dont tu es l’objet.
Tuer l’objet !
Je regarde l’ampleur de mon ego blessé.
Je vois mes travers.
Je pose mes limites même si aujourd’hui, elles ne sont pas visibles.
Je les sens qui pointent le bout de leur nez.
Et puis tu reviendras, tu reviens toujours.
A ne jamais vouloir régler vraiment les choses entre nous, tu laisses l’espace ouvert.
Peut-être qu’un jour c’est moi qui le fermerai.